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26/08/2010

La Drôme provençale

P8190018.JPGCe soir-là, nous sommes confortablement installés sur une terrasse dans un charmant village de la Drôme provençale. Près d'un petit pont pittoresque, baigné dans la lumière rasante du couchant, le platane centenaire à notre gauche nous est d'une compagnie bienveillante, comme d'ailleurs la fontaine rustique à notre droite, composée d'une simple roche couverte de mousses.

Nous sommes trois hommes et une dame à table ; la patronne est venue prendre notre commande. La dame a commandé après les autres convives car elle a eu une petite hésitation sur son choix. Trois secondes après sa commande, elle demande à la patronne si elle peut changer d'avis. A notre grand étonnement, la réponse est un non catégorique. Elle nous montre un appareil électronique dans sa main :

"Désolée Madame, la commande est partie en cuisine. Je ne peux pas l'annuler. Vous ne puovez pas refaire votre choix. Vous mangerez ce que vous avez commandé. Eh oui, c'est la technologie." Incrédules, nous avons exprimé notre étonnement. Elle a répété sa réponse négative avec une fermeté intransigeante.

Les convives de la tablée sombrent dans un désarroi violent. J'étais prêt à renoncer à mon choix et à manger ce que notre amie avait commandé, pour qu'elle puisse choisir de nouveau ce qui lui plairait. Vaine idée, puisque ma commande est passée avant l'incident. Nous sommes faces à un dilemme : soit notre amie mange ce qu'elle a commandé, soit nous commandons cinq plats pour quatre personnes, ce qui serait moralement contestable.

Je regarde autour de moi : le pont pittoresque, le platane centenaire, la fontaine, la lumière du couchant : quelle valeur accorder à ce décor, si la maîtresse du lieu se montre si insensible au sens de l'hospitalité et au plaisir de recevoir ?

Tout un coup, il me manque de dîner dans un pays où le paysage serait moins beau, le menu plus modeste mais la qualité des relations humaines assurément plus grande.

Trois minutes plus tard et contre toute attente, la patronne est revenue à notre table pour reprendre la commande de notre amie, après avoir annulé la première commande malencontreuse auprès du cuisinier.

A cet instant, la Drôme provençale a retrouvé son charme (non sans rudesse).

 

06/11/2008

Réflexions d’un voyageur en Angleterre

poundbury3.jpeg

Récemment, la lecture d’un article de journal m’a donné envie de partager certaines réflexions, qui peuvent intéresser tout lecteur attentif et pas uniquement les spécialistes de l’urbanisme.

 

Il s’agit de l’article intitulé « Le prince Charles veut exporter son modèle d'urbanisme "à l'ancienne" » paru dans Le Monde du 26 octobre 2008. Un séjour de deux ans à Oxford m’a rendu sensible aux reportages sur l’Angleterre, d’autant plus qu’en France où je vis, les gens n’affichent pas l’amour qu’ils portent pour leurs voisins d’Outre-Manche.

 

Ce qui arrive souvent à une chose mal connue, c’est qu’elle soit adorée ou détestée pour de mauvaises raisons. C’est visiblement le cas du mouvement de renaissance urbaine animé par le Prince Charles, incarné dans la réalisation de Poundbury dans un coin paisible au sud-ouest du pays. En terme de morphologie urbaine, Poundbury n’est pas une ville proprement dite mais ressemble plutôt à un nouveau quartier d’une ville existante (Dorchester).

 

D’aucuns critiquent cet urbanisme de façade et dénoncent la « nostalgie » déconnectée de notre époque. D’autres admirent l’ambiance du « village urbain » presque magique de ce lieu : oui, c’est du faux-semblant mais c’est tellement bien fait ! Et pour un esprit pragmatique qui prévaut en Angleterre, l’effet supposé bénéfique du projet sur les relations sociales peut tout justifier. 

 

J’ai eu l’occasion de passer quelques moments à Poundbury en 2004, un carnet de croquis à la main. A tant me voir dessiner, une habitante s’est mise à bavarder avec moi, s’excusant de ne pas avoir le temps de m'offrir un afternoon tea. Un endroit charmant qui inspire l’hospitalité, non ?

 

Quatre ans après, je vous livre le souvenir que cette visite m’a laissé : là-bas, tout est impeccablement dessiné, mais rien n’est « mesuré ». Je le dis avec un peu de regret.

 

Je me perds à Poundbury qui n’est pourtant pas très étendu. Des bâtiments plus ou moins grands, installés à différents endroits de la « ville », sont censés jouer le rôle de repères, et aider les gens à s’y orienter, se l’approprier. Toutefois, quand ces grands bâtiments sortent de son champ de vision, un flâneur ne sait plus s’il est proche ou loin du centre.

 

A l’opposé, dans une ville anglaise moins « artificiellement constituée », le flâneur le sait d’instinct : quand on est loin d’une high street (grande rue), les maisons sont plus espacées. Quand les maisons se resserrent, c’est qu’on se rapproche d’un centre. Voilà la « mesure » vivante résultant d’un jeu collectif de l’économie urbaine, une mesure non dessinée qui faisait défaut à Poundbury.

 

L’urbanisme de Poundbury constitue-t-il un modèle à généraliser et exporter ? Toujours est-il que le cadre très agréable de Poundbury a créé un effet non voulu : parmi ses habitants on compte plusieurs personnalités prestigieuses proches de la Cour royale. Le prix d’immobilier y est devenu inabordable pour le commun des mortels.

 

Moralité : derrière un article de journal, il peut y avoir toute une histoire à découvrir et à raconter (comme derrière chaque album de HongFei Cultures).

 

 

Source de l’image : Erling Okkenhaug

Pour plus d’images : cliquer ici 

 

 

06/09/2008

Hospitalité [2]

Nous pouvons considérer que la sensibilité universaliste des Chinois s'exprime dans une autre phrase qui n'est pas moins souvent citée : « Entre les quatre mers, tous les hommes sont [mes] frères. » 

Cette phrase est extraite du chapitre XII des Entretiens de Confucius. Un homme nommé Sima Niu se lamente de ne plus se reconnaître dans la conduite dévoyée de ses frères. Il considère les avoir perdus et se sent seul au monde. Zi Xia, l'un des disciples de Confucius, le console ainsi :

«... L'homme honorable veille sans cesse sur sa propre conduite ; il est respectueux et civilisé. Entre les quatre mers, tous les hommes sont ses frères. L'homme honorable a-t-il lieu de s'affliger de n'avoir plus de frères ? »

 

Ainsi, se perfectionner dans la vertu procure au sujet une récompense concrète et palpable : un monde peuplé de ses frères. L'homme offrira et recevra l'hospitalité ainsi en toute sérénité.

 

 

» le site de l'AFPC (Association Française des Professeurs de Chinois)

28/08/2008

Hospitalité [1]

La cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Pékin a été une occasion de recentrer notre regard sur la civilisation chinoise. Si l'on ne se contente pas de commentaires de presses mal informés ou biaisés par les idéologies, on peut effectivement y "entendre" le message qu'une nation voudrait porter au monde. Cette occasion est d'autant plus précieuse que la nation en question, la Chine, a souvent été - et l'est encore aujourd'hui - admirée ou méprisée en Occident pour de mauvaises raisons. 

Entendons-nous l'une des phrases souvent citées par les Chinois autour de l'événement : « N'éprouve-t-on pas de la joie avec des amis venant de loin ? » Cette phrase est extraite du premier paragraphe du premier chapitre des Entretiens de Confucius.

Pour sa traduction, j'ai consulté la proposition de deux références françaises sans être satisfait. Après avoir lu une version anglaise et une transcription en chinois moderne, je considère que celle proposée ci-dessus ne trahit pas le sens du texte d'origine. Au-delà de la traduction d'une seule phrase, il convient de la lire dans le contexte des trois phrases qui se suivent :

 

Le maître dit :

N'est-ce pas un plaisir d'apprendre et de mettre sa connaissance en application au moment opportun ?

N'éprouve-t-on pas de la joie avec des amis venant de loin ?

N'est-ce pas un homme de bien qui, incompris des autres, garde son esprit serein ?

 

La première phrase parle du rapport à soi : être homme, c'est avoir la faculté d'apprendre et de s'élever dans sa condition humaine. La deuxième phrase parle du rapport aux autres : un être qui arrive de loin, pourvu qu'il partage tes exigences et aspirations, peut parfaitement être ton ami. La troisième phrase propose une synthèse : il ne faut pas être désabusé même si la rencontre avec l'être partageant tes exigences et aspirations tarde à se concrétiser.

L'un des charmes de l'hospitalité à la chinoise consiste à voir une amitié potentielle dans chacun des arrivants.

 

» le site de l'AFPC (Association Française des Professeurs de Chinois)

24/05/2008

Eurovision : tel un oiseau migrateur

EL_CB_Budapest_200806.jpgCette année, il a atterri là ; l'année suivante, ailleurs. C'est vrai que ça fait longtemps qu'il n'a pas posé ses pattes en France, mais ce n'est pas une raison pour ne pas l'aimer. Si l'on peut regretter que les votes soient parfois motivés par des critères étrangers à la qualité de la prestation des artistes, ils semblent néanmoins refléter une certaine dynamique migratoire de l'Europe actuelle, et ce notamment concernant l'Est.

 

Enfin, l'Europe est grande justement parce que tout le monde n'est pas Français sur ce "continent". J'aime l'Europe certes pour son sens de l'hospitalité, mais peut-être encore plus pour l'air cosmopolite qu'on y respire, au bord du Danube.

 

Image : Derrière le Parlement, Budapest 2005