24/09/2014
"Ce n'est pas très compliqué" de Samuel Ribeyron
Demain, jeudi 25 septembre, paraîtra en librairie le nouveau livre de Samuel Ribeyron, Ce n’est pas très compliqué.
Samuel Ribeyron nous a fait le plaisir et l’honneur de l’accompagner dans son travail vers une publication de son projet et les éditions HongFei Cultures lui en sont reconnaissantes.
Entre Samuel et HongFei, c’est une histoire qui dure. En 2007, il fut le premier illustrateur engagé à nos côtés pour travailler sur Yllavu, le texte d’un moine bouddhiste de Taiwan, Gambhiro Bhikkhu. Un an plus tard, il accompagnait le premier texte de Chun-Liang Yeh, le conte Pi, Po, Pierrot, de ses magnifiques illustrations et offrait à ce livre une visibilité qui l’a placé depuis parmi les meilleures ventes de notre catalogue. En 2010, nous publions pour la première fois un livre entièrement signé par Samuel, texte et images, une petite histoire sucrée d'amitié amoureuse, Salade de fruits.
Avec Ce n’est pas très compliqué, Samuel offre au lecteur un grand livre (25x34cm), un livre précieux (imprimé sur un papier Munken), un TRÉS BEAU LIVRE où la qualité de l’histoire le dispute à l’intelligence de la narration.
résumé - Un garçon aime beaucoup Louise, sa voisine. Ensemble, ils partagent le plaisir de dessiner à la craie des arbres par terre dans leur petite rue. Un jour, Louise demande à son ami ce qu’il a dans la tête. Comme il ne sait pas quoi répondre, il décide d’aller y voir. Ce n’est pas très compliqué… Là, il découvre une forêt silencieuse, une autre secrète, puis une timide, etc. Dans un coin, il y a même la forêt de leur rue. Pendant ce temps, la vie réelle fait son œuvre et Louise déménage. Ici, pas de larmes. Serait-ce que ce garçon n’a pas de cœur ? Ce n’est pas très compliqué… il suffit d’aller y voir pour découvrir son univers intime où Louise continue de rêver et de dessiner.
A travers cette histoire, Samuel donne à voir les vérités intérieures d’une enfance, où le bonheur du présent et la force de l’imaginaire réconfortent un cœur qui connaît son premier chagrin, celui de la séparation. Mais ici, aucune tristesse. Le héros, doté d’un imaginaire riche, transforme l’absence en terreau fertile d’où jaillissent la douceur du souvenir et la création.
La grande force de ce livre qui approche en toute simplicité l’intimité de l’être, ici un enfant, tient notamment dans la forme narrative originale que lui donne son auteur : à mesure qu’on avance dans le récit, le texte – court, simple et évocateur – cède, aux dernières pages du livre, toute la place à une illustration puissante et touchante qui invite l’enfant-lecteur à trouver ses propres mots pour dire l’émotion qui sera la sienne.
Au-delà, Samuel a un talent rare : il sait rendre palpable la subtile fluidité du passage permanent entre le réel et l’imaginaire qui caractérise l’enfance. Cela, grâce à un texte tantôt narratif, tantôt contemplatif, et à une illustration oscillant entre une figuration minimale de l'existant (un encadrement de fenêtre ou un miroir) sobrement mise en page, et la puissance féconde de l'imaginaire (les forêts traversées) éclatant en doubles-pages.
Avec Samuel, faire un livre, c’est une chose sérieuse et c’est une affaire de cœur. Cela nous convient.
Bonne lecture à tous.
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pour prolonger votre lecture :
- interview de Samuel Ribeyron dans CuiCui ! (sept. 2014), la gazette des éditions HongFei
- interview de Samuel Ribeyron sur le Blog La Mare aux mots (fév. 2013)
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21/01/2014
un "Visiteur" à Bologne
Beau début de semaine !
Nous avons appris, lundi 20 janvier, la sélection des planches du Visiteur de Iching Hung 洪意晴 pour L’Exposition des Illustrateurs de Bologne.
Cet important événement annuel attaché à la Foire du livre pour enfants de Bologne (24-27 mars 2014), met en valeur une production artistique de qualité créée en lien avec le livre de jeunesse. Après Bologne, l’exposition voyagera pendant un an et terminera son périple au Japon.
Cette année, sur plus de 3000 candidatures reçues, 75 artistes ont vu leurs œuvres retenues.
Nous sommes très heureux pour les cinq images du Visiteur concernées et félicitons chaleureusement son auteure. Les planches sont réalisées à l’encre de Chine, à l’acrylique, à l’aquarelle et avec des ajouts de papier argenté brillant collé. Le Visiteur est une création originale publiée aux éditions HongFei Cultures en mars 2013.
Ci-dessous, les cinq planches et la couverture du livre.
Cliquez pour afficher en grand !
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25/09/2013
Miroir, mon bon miroir, dis-moi quel homme je peux être…
Les hommes sont ainsi faits qu’ils sont perfectibles, conscients de leur condition, et prompts à se proposer des occasions ou des outils de perfectionnement. Le miroir est de ceux-là, tout comme le conte.
Avec La Langue des oiseaux (à paraître le 03 octobre 2013), les éditions HongFei Cultures vous proposent de partir à la découverte de quatre contes qui sont autant de miroirs tendus aux hommes par des auteurs malicieux ou des esprits éclairés, pour les inviter à se corriger ou, de manière préventive, leur éviter d’emprunter une voie mauvaise. Ici, nulle question de jugement ; on n’apprend pas à ses dépens. Enfin, pas toujours !
Ce livre est le premier recueil de contes que les éditions HongFei Cultures publient. Jusque-là, lorsque nous publiions un conte, il était offert pour lui-même, sous forme d’album, en particulier dans notre collection « Contes de Chine » où l’on trouve Yexian et le soulier d’or ou L’Auberge des ânes (et bientôt un nouveau titre dont nous vous dirons plus très vite : Grand’Tante Tigre). Avec quelques textes que nous avions en main, il nous a paru intéressant de travailler autrement. Parfois moins longs qu’habituellement, ou d’une nature se prêtant moins à un traitement en album classique, ces textes avaient pourtant une telle valeur que nous étions désireux de les faire passer.
L’idée du recueil était la bonne à condition qu’il ne devienne pas un simple assemblage de textes sans autre point commun que leur origine culturelle. Aussi avons-nous souhaité limiter le nombre de contes à réunir et tâché de les inscrire dans un ensemble qui les dépasse sans les diluer. De fait, de la réunion de ces quatre textes issus de la tradition littéraire chinoise et puisés au fil de nos lectures de recueils du Ve, XIe ou XVIIIe siècles ou, pour l’un d’eux, reçu d’un ami poète qui en ignore l’origine précise, résulte une cinquième œuvre, composée de tout cela, à la fréquentation de laquelle nous espérons que les jeunes lecteurs en France tireront plaisir.
Le texte de cette œuvre nous est proposé par Chun-Liang Yeh qui inscrit son écriture concise et concrète dans la filiation du langage subtil des classiques chinois à la source desquels il puise et où la sobriété de la langue le dispute au raffinement du propos.
À l’époque dite « des Printemps et Automnes », en Chine, vivait un jeune homme pauvre répondant au nom de Chang. C’était un disciple de Confucius, et il possédait un don très particulier : il comprenait la langue des oiseaux. Lorsque Chang était fatigué de ses études, il se divertissait en écoutant la conversation des oiseaux réunis dans la cour de la maison de son maître. Absorbé par ce qu’il entendait, il en oubliait la présence de ses camarades et devenait l’objet de leur raillerie. Il avait beau dire qu’il comprenait les oiseaux, personne ne le croyait.
Ainsi commence celui des quatre contes réunis ici et qui donne son titre au recueil, La Langue des oiseaux. Ailleurs, ce sont une fourmi reconnaissante, un cerf loyal ou encore un loup malin qui feront grandir en sagesse les hommes qui les rencontrent et les écoutent. Car voilà bien le thème que la réunion de ces quatre contes fait apparaître : « l’Homme grandit en sagesse lorsqu’il sait écouter ».
Le recueil est illustré par Clémence Pollet qui signait déjà, il y a un an, la très belle et singulière illustration de L’Auberge des ânes. Tel le héros d’un conte chinois qui se met à l’écoute, Clémence accepte de laisser résonner en elle, dans son travail sensible de création, une langue qui lui est parfois étrangère mais dont elle perçoit la saveur et la richesse des intonations qu’elle transforme en autant de traits, de couleurs et finalement d’images. Du sens, elle ne perd rien et montre tout. Comment ne pas voir dans le superbe tête-à-tête de la couverture tout ce que nous avons évoqué plus haut : le miroir, l’écoute, la métamorphose qui s’opère chez l’homme attentif ?
Des images de Clémence, si simplement justes, de son choix de couleurs, si subtilement troublant, de sa peinture franche en aplat et de ses traits vifs et précis si paradoxalement apparentés, on aimerait parler longtemps. Le mieux sera d’abord de les découvrir.
En plus des illustrations à proprement parler, on admirera aussi les lettrines ouvrant chacun des contes qui sont également une création originale de Clémence Pollet.
Nous espérons que les jeunes lecteurs, et tous ceux qui voudront bien les accompagner, entreront dans ce livre comme on pénètre, de pièce en pièce, dans un palais plein de trésors.
Nous leur souhaitons par avance une heureuse lecture.
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La Langue des oiseaux, Chun-Liang YEH, Clémence POLLET, éd. HongFei Cultures, en librairie le 03 octobre 2013.
Dès 8/9 ans. Prix 12,50€. ISBN 978-2-35558-068-0
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Pour en voir plus, cliquez ICI.
Le SITE de Clémence Pollet
16:24 Publié dans HongFei : Actualités, journal d'éditeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : contes de chine, clémence pollet, chun-liang yeh, animaux | Facebook |
08/09/2013
Pierre Cornuel vise les étoiles...
Dans moins de vingt jours, paraîtra aux éditions HongFei Cultures une création originale de Pierre CORNUEL auteur et illustrateur, Éclats de Lune.
HongFei Cultures publie essentiellement des textes d’auteurs chinois que nous faisons illustrer en France. Cette ligne singulière aboutit à ce qu’une majorité des projets publiés sont initiés par la maison d’éditions elle-même. Toutefois, il nous arrive régulièrement, depuis 2009, d’accueillir des projets personnels, parfois sans lien avec la Chine mais qui trouvent leur place au sein de notre catalogue en invitant les jeunes lecteurs à élargir leur horizon à travers les thèmes du voyage, de l’intérêt pour l’inconnu et de la relation à l’autre.
C’est dans ce cadre éditorial que s’inscrit la publication d'Éclats de Lune où l’on trouvera ces trois thèmes réunis pour une aventure à nulle autre pareille. Ceux, nombreux, qui connaissent Pierre CORNUEL, savent les talents de ce peintre raconteur d’histoires aux enfants qui compte plus de soixante titres à son actif !
Raconteur d’histoires, Pierre l’est absolument. Après quoi il met son talent à les écrire parfois, et en tous les cas à les illustrer. Pour nous présenter son projet, et conformément à son tempérament, Pierre a commencé par nous raconter une histoire, avec vivacité, humour et maints bruits d’animaux. Ce jour-là, nous avons ri, beaucoup apprécié le ton et aimé le propos. Il avait également déjà bien avancé sur l’image, séduisante à beaucoup d’égards.
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Quatrième de couverture :
Cette fois, la voilà, la lune tant attendue ! C’est le moment pour Kun-Yi de lancer l’aventure. Il part chercher le renard, la belette, le loup, le cochon, la chèvre, le cheval et le coq. Tous se font un peu prier mais répondent à l’appel du jeune garçon. Au fait, pour quel projet ?
L’histoire d’une œuvre commune où chacun se réalise… avec bonheur !
Extrait :
Kun-Yi fait le compte. « Voyons… un cochon, un loup, une belette, un renard… il manque encore… Ah ! bien sûr ! Allons vite à la ferme des Trois Ormeaux. » Les cinq compères arrivent aux Trois ormeaux où ils trouvent la chèvre. « Mêêê quel genre de projet ? s’informe la chèvre. – Le genre dont tu fais partie et qui demande aussi l’aide du cheval. Viens avec nous, allons le réveiller. »
Inutile de réveiller le cheval, qui ne dort pas. « Hiii ! fait-il voyant tous nos amis marcher dans son assiette. Où allez-vous ainsi ? – Cheval ! On a besoin de toi ! – À quel sujet ? – Au sujet de notre projet ! – Mais enfin, quel projet ? interrogent les animaux qui n’en peuvent plus de curiosité. – Un magnifique projet que je vais bientôt vous dévoiler… mais qui nécessite pour finir le soutien du coq. »
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Du projet de Kun-Yi et de sa réalisation en compagnie des animaux, nous ne dévoilerons rien de plus ici. Mais qu’on se le dise, il y a dans cette histoire de l’aventure, de l’amitié, de la confiance, des poils et des plumes, une petite douleur aux derrières, des pinceaux, un phénix, un grand voyage dans la nuit, une lune brillante, une chute vertigineuse, beaucoup de rire et même du bonheur, de la création et des… Éclats de Lune !
Tout cela fait déjà beaucoup et rendrait heureux plus d’un jeune lecteur. Mais Pierre est ainsi fait qu’il a les idées – et les images – qui se déploient. C’est là que lui vint le désir d’un livre aussi long qu’il serait beau. Travaillant aux pinceaux chinois, sans crayonnés, sur papier aubier de santal, l’artiste créa un leporello, un livre accordéon, à lire comme tous les livres ou à déployer en fresque sur 10 mètres de long.
En 2010, Pierre CORNUEL a illustré Chu Ta et Ta’o. Le peintre et l’oiseau (Grasset), un livre remarqué pour la qualité du travail de création de l’artiste. Éclats de Lune est de la même veine exceptionnelle. Réalisé à l’aide des outils de la peinture traditionnelle chinoise et dans l’esprit improvisé des peintres de ces contrées des siècles passés, l’image, laissée libre de tout texte (placé dessous, en bandeau), est une œuvre d’art. Quant à l’histoire, elle est aussi un hommage aux pinceaux chinois et à la diversité de leurs caractères. Aussi, pour prolonger le souhait de l’artiste, et avec sa complicité, deux pages documentaires placées en fin de livre évoquent l’art et les caractéristiques des pinceaux chinois.
Éclats de Lune, c’est un auteur-illustrateur de grand talent, une histoire chaleureusement amusante, un hommage à la création, un objet exceptionnel… Bref ! Un livre à découvrir absolument dès sa sortie en librairie le 26 septembre 2013.
Il nous importe, à la fin de cette présentation, de faire part de notre reconnaissance à l’égard de l’Agence CICLIC (livre image culture numérique en Région Centre) laquelle, considérant la qualité et l’exigence du projet Éclats de Lune, a bien voulu apporter son soutien à la publication de ce livre.
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Caractéristiques du livre : hors collection / format leporello (livre frise) 28x21cm, 40 pages recto, dos toilé / public dès 7 ans / isbn 978-2-35558-066-6
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Éclats de Lune de Pierre CORNUEL, éd. HongFei Cultures, en librairie le 26 septembre 2013.
SITE de Pierre CORNUEL illustrateur.
SITE de Pierre CORNUEL peintre
à noter : exposition personnelle de l'artiste. Peintures des séries Les femmes rebelles, Atlantis et Fleurs noires, Galerie Everarts (Paris 8e) du 12 au 23 novembre. Vernissage le jeudi 14 novembre.
23:33 Publié dans HongFei : Actualités, journal d'éditeur | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : pierre cornuel, Éclats de lune, pinceaux chinois | Facebook |
02/09/2013
Sara et le poète chinois - épisode 2
Le monde est maintenant visible dans ton corps. Octavio Paz
Il arrive quelquefois à l’éditeur d’albums jeunesse qu’à la lecture d’un texte, un nom d’illustrateur s’impose à lui. Ce fut le cas pour nous lorsqu’à chacune de nos lectures du magnifique texte de SU Dongpo, Un bon fermier, le nom et les images de SARA nous revinrent résolument à l'esprit. Dès lors, dans un étonnant aller-retour imaginaire, nous accordions les univers de ces deux êtres là. La langue du poète, sa beauté simple, infiniment concrète, efficiente, faisaient déjà bruisser les papiers à déchirer que Sara choisirait. De leur côté, les livres de l’artiste et les thèmes qu’elle chérit – la fragilité de la nature humaine, la force de l’expérience humaine, l’attention au monde, le temps… – semblaient déjà donner au poème un corps qui rendrait visible le monde qu’il portait en lui.
Notre satisfaction et notre plaisir furent donc grands lorsque Sara accepta effectivement d’illustrer le texte. Notre bonheur fut complet aux premières planches qui laissaient voir que l’artiste marchait à sa manière dans les pas du lettré chinois et que ses traces, loin de recouvrir celles anciennes de SU Dongpo, leur offraient une grâce nouvelle et permettraient qu’ici, en France, on les suivrait aussi.
Pour nous, l’accord entre SU Dongpo et Sara est parfait. Mieux, l’accord entre la poésie chinoise et Sara opère incroyablement sur le regard et les émotions. C’est au point qu’on aimerait dire de Sara qu’elle est très… chinoise ! Bannissant le superflu, ses images prêtent à l’évidence une robe invisible – à quoi bon montrer ce qu’on sait déjà – et rendent à l’implicite sa forme… incertaine. De ce point de vue, les contours des papiers déchirés de l’artiste jouent à merveille le jeu de la réalité inconstante chère aux lettrés chinois, tandis que les figures ainsi dessinées manifestent avec force l’expression de la sagesse dont la poésie de SU Dongpo est l’une des plus célèbres manifestations dans la littérature chinoise1.
Mais plus légèrement et au-delà de ces considérations, Sara a fait – et nous a fait faire – au fil de son travail sur le texte de SU Dongpo, une drôle de découverte !
« Finalement les chinois et nous, on a un truc en commun : dans le temps, on avait la même technique pour faire pousser le blé. La preuve ? Vous la trouverez dans mon prochain album Un bon fermier, illustrations sur un poète du 11e siècle, SU Dongpo. »
C’est avec cette formule en forme d’énigme que Sara annonçait il y a quelques jours, sur Facebook, la prochaine parution d’Un bon fermier. Loin de nous l’idée de lever le voile qu’elle jetait là sur une partie du livre… d’autant que ce teasing là nous amuse beaucoup !
Disons juste que face à un texte, Sara le fréquente jusqu’à l’apprivoiser absolument. Or, dans son approchement du poème de SU Dongpo, l’illustratrice a levé un loup ! En effet, le fermier du texte semblait mettre en œuvre une technique bien curieuse pour assurer la bonne levée de son blé. N’y tenant pas de n’y rien comprendre, Sara se lança sur la piste – et nous emmena avec elle ! Et tandis que nous poussions l’enquête vers un agronome chinois de notre connaissance, l’artiste interrogeait un agriculteur de la sienne. Les explications sont venues de là et grande fut notre surprise d’apprendre par notre enquêtrice, non seulement le fin mot de cette technique mais aussi qu’elle eût court ici en son temps. Mieux, comme un écho très direct, certaines pratiques actuelles rendent l’hommage de la permanence à l’observation de nos aînés.
C’était trop beau pour que nous laissions échapper cette manifestation de la modernité du texte et de son universalité. Avec la complicité de Sara, nous avons gardé la trace de ce questionnement et en rendons le résultat dans une « Petite leçon d’agriculture écologique d’hier et d’aujourd’hui » qu’on trouvera à la fin de l’ouvrage.
N’en disons pas plus, ni sur le texte, ni sur les images de Sara. Gageons que leur lecture saura faire briller les yeux du plaisir qu’on en aura.
Nous, chez HongFei Cultures, nous avons la satisfaction d’un beau livre et le bonheur de vous en annoncer d’ores et déjà un autre à venir au printemps. Après Un bon fermier de SU Dongpo, Sara mettra en image un poème de DU Fu (8e s.). Au menu de son papier déchiré : le temps, le désir et l’amitié.
1) Jacques PIMPANEAU consacre un chapitre de son livre Chine. Histoire de la littérature aux deux poètes TAO Yuanming (Ve siècle) et SU Dongpo (XIe siècle) dont il dit que leur œuvre représente « une des grandes contributions originales à la poésie chinoise : l’expression de la sagesse. »
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Un bon fermier, SU Dongpo - SARA, éd. HongFei Cultures, 2013
EN LIBRAIRIE le 19 septembre 2013 / pour découvrir le livre, suivez ce LIEN
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Visitez le site de SARA
À noter : Sara fait partie des invités du Festival des illustrateurs de Moulin (26/09 – 06/10). Pendant cette période, les planches originales de plusieurs de ses livres seront exposées à la cathédrale de Moulins.
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10:57 Publié dans journal d'éditeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : su dongpo, sara, poésie, fermier | Facebook |
29/08/2013
Unique est "Un bon fermier" - épisode 1
Dans quelques jours, paraîtra aux éditions HongFei Cultures Un bon fermier. Cet album jeunesse accueille un texte de SU Dongpo (XIe siècle), un des plus grands poètes classiques chinois, mis en images par SARA, une très grande dame de l’illustration jeunesse contemporaine. De cette rencontre inédite résulte une œuvre unique, rare et étonnante.
Unique car, si la poésie chinoise n’est pas totalement absente du champ de la littérature jeunesse publiée en France, c’est la première fois, à notre connaissance, qu’une telle poésie fait l’objet d’un livre tout entier, qui plus est d’un album. Pourtant, caractérisée par « son goût du concret » et un art de la suggestion 1, la poésie chinoise se prête particulièrement à une lecture d’enfant qui trouve à y satisfaire son besoin d’images concrètes et un désir d’horizon émancipateur.
Rare, ce livre l’est aussi par son sujet et son thème. Un rapide coup d’œil à la base du Centre national de la littérature pour la jeunesse La Joie par les livres (une des plus complètes pour les publications jeunesse en France) fait apparaître la quasi-absence du mot « fermier » des titres des ouvrages publiés ces trente dernières années. « La ferme », elle, tient son rang comme microcosme où évolue une grande diversité d’animaux et lieu idéal d’observation et d’apprentissage de la vie en société pour les petits. Mais elle se passe volontiers du fermier qui, lorsqu’il est là, est un personnage secondaire et souvent « trouble-fête ». Et sauf à considérer les livres-documentaires (également peu nombreux sur le sujet), la littérature jeunesse ignore presque tout de la paysannerie.
Étonnant enfin, parce qu’on découvrira à sa lecture une poésie – mais aussi une histoire – à laquelle mille ans n’ont rien enlevé à sa beauté, et dont l’humanisme et la puissance de suggestion sont capables de toucher des hommes d’une époque et d’un pays très éloignés de ceux qui l’ont vue naître.
C’était il y a quelques mois, lors d’une lecture « pour le plaisir » du poème de SU Dongpo Un bon fermier : deux idées s’imposèrent avec la force de l’évidence :
HongFei Cultures publierait ce texte… et Sara devait l’illustrer !
Oui, nous allions publier en jeunesse, une POÉSIE… CHINOISE… du XIe SIÈCLE !
La belle traduction que Chun-Liang YEH fit de ce texte nous convainquit très vite de sa possible réception par les jeunes lecteurs et même du plaisir qu’ils tireraient de sa fréquentation. Qu’on en juge avec les premiers mots :
Suivant l’exemple d’un bon fermier qui ménage les ressources de la terre,
J’entreprends avec bonheur la culture de ce sol en friche depuis dix ans.
Pour le réveiller en douceur, …
Quant à Sara, magnifique artiste que nous n’avions approchée jusque-là que de très loin, bien timidement et sans imaginer encore… elle accepta presqu’aussitôt qu’elle lut le texte.
À suivre !
1) Jacques PIMPANEAU, Chine. Histoire de la littérature, éd. Philippe Picquier, 2004.
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Un bon fermier, SU Dongpo - SARA, éd. HongFei Cultures, 2013
EN LIBRAIRIE le 19 septembre 2013 / pour découvrir le livre, suivez ce LIEN
12:15 Publié dans journal d'éditeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : su dongpo, sara, poésie, fermier | Facebook |
23/06/2013
Taipei Story
La semaine dernière, j’ai eu le plaisir de retrouver un ami de fac de passage à Paris, pour un petit déjeuner non loin de la Tour Eiffel. Aujourd’hui, il m’a invité à une soirée littéraire au Taipei Story House qui accueille deux écrivains pour une lecture devant une cinquantaine de personnes. Dites ce que vous voulez, en matière d’amitié j’ai le goût du luxe. En moins de dix jours, voir par deux fois un ami de vingt ans, dans deux villes à dix mille kilomètres de distance : pourquoi s’en priver...?
Le bâtiment qu’on appelle Taipei Story House a cent ans : cet hôtel particulier a été érigé par un riche marchand de thé de Taipei dans le style Tudor pour recevoir ses amis et ses clients. Depuis 2003, il héberge un mini-musée consacré à vie culturelle de l’île depuis le début du vingtième siècle, avec comme objectif d’insuffler une nouvelle vie à un patrimoine conservé.
(crédit photo : Taipei city government)
L'évènement littéraire auquel j’ai assisté s’intitule « les vendredis des Muses ». Il a lieu le troisième vendredi de chaque mois ; c’était le 67e rendez-vous ce soir. Les deux écrivains invités sont des personnages importants dans la vie littéraire du pays. Jiji 季季,rédactrice en chef d’un important journal de presse nationale, a lu un récit qu'elle a écrit sur l’inauguration du pont ferroviaire en acier qui enjambe l'estuaire du plus grand fleuve de Taiwan depuis 1953, lorsqu'elle avait 8 ans. Grâce à sa voix et ses mots qui ressuscitent bien des couleurs, des bruits, des odeurs et des visages, on revit l’excitation des villageois des deux rives à la veille du décollage économique de Taiwan.
Su Xiaokang 蘇曉康,l’auteur du film « River Elegy » vu par cent million spectateurs en Chine en 1988 et exilé aux Etats-Unis au lendemain de l’événement de Tian’anmen, nous a dévoilé la grande Histoire à travers sa trajectoire personnelle très singulière. En 1947, ses parents communistes ont fui le régime nationaliste (dirigé par Chiang Kai-Chek) à Taiwan. Deux ans plus tard, c’était au tour des nationalistes, battus par les communistes (dirigés par Mao Zedong), de se réfugier sur l’île. Le père de Su a dû traverser le détroit de Formose une nouvelle fois, dans le sens inverse, sous peine d'être fait prisonnier et de mourir à Taiwan. A l’époque, la maman de Su le portait déjà dans son ventre. Elle quitta Taiwan pour rejoindre son mari et donner naissance à Su à Hangzhou. Interdit sur le territoire chinois depuis un quart de siècle, Su a été invité à Taiwan à plusieurs reprises par ses amis écrivains (dont Jiji, également son éditrice). Pour la lecture de ce soir, il a choisi un récit où ses pas rejoignent ceux de ses parents, à Taiwan et à Hangzhou. Sans mot nostalgique, il y rend hommage à sa mère avec une grande pudeur et dignité.
En une heure et demie, nous avons voyagé au travers des dizaines d’années et parcouru des milliers de kilomètres, en compagnie des personnalités hors du commun qui restent si proches de nous, sans nous écraser par leur ego. C’est pour ça que je les aime, les Taipei stories.
post de Chun-Liang YEH
10:30 Publié dans journal d'éditeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : taiwan, chine, culture, histoire, su xiaokang, taipei story house | Facebook |
02/04/2013
Un premier livre sans texte aux éditions HongFei Cultures
Au premier jour du printemps, les éditions HongFei Cultures ont publié, pour la première fois, un livre sans texte, Le Visiteur, d’Iching Hung.
Iching, artiste plasticienne taïwanaise connue au Japon et en Australie pour ses fresques monumentales, réalise ici une « petite » merveille, sans texte.
Le projet, superbe, nous a immédiatement séduits, conquis, mobilisés. Les planches sous les yeux, aucun doute n’était permis pour nous : ce serait là un beau livre. L’originalité et la qualité plastique des créations d’Iching Hung, son talent de narratrice par l’image, la thématique de la découverte sensible et heureuse du monde, le caractère du personnage principal, tout cela rendait le livre à naître évident et, même, nécessaire. Comment ne pas partager le bonheur véritable que le projet suscitait en nous dès le premier coup d’œil, l’enthousiasme dans lequel l’élan du Visiteur emportait le regard, la joie et la surprise d’une fin d’histoire si drôle ?
Pourtant, un livre sans texte n’est pas chose simple. Y compris pour nous, éditeurs HongFei Cultures, attachés à la qualité littéraire et à la place du texte dans les livres de notre catalogue. Et puis, nous suivrait-on ? Les libraires, en cette période difficile ? Les parents, si souvent désireux que les livres portent assez de texte pour qu’ils vaillent la peine d’être achetés ? Les jeunes enfants qui aiment qu’à leur côté un grand – forcément magicien – les aide à entrer dans le mystère des signes de l’écriture qu’eux ne déchiffrent pas encore ?
Une fois la décision prise, et alors que le projet était en voie d’achèvement, nous avons posé quatre questions à l’artiste en prévision d’une publication d’interview à venir. Nous l’avons notamment interrogée sur les raisons d’un livre sans texte. Sa réponse nous a étonnés et émus (voir ci-dessous). On ne sait jamais assez combien chaque enfant, dans sa vie encore tendre, connaît ses difficultés propres, met en place ses propres solutions de contournement et de réconforts, et finalement construit ses bonheurs. À lire Iching Hung, on comprend juste qu’il ne faut priver cet enfant d’aucune des voies possibles vers ce bonheur à construire, et dont il se chargera.
Interview d’Iching Hung, extrait :
Lorsque j’étais à l’école primaire, j’entrais difficilement dans le monde des mots. Je m’exprimais mal, sauf avec mon sourire. Les mots étaient pour moi des signes difficiles à déchiffrer. Je ne les rejetais pas pour autant : en classe, je remplissais avec un crayon tous les vides des caractères, méthodiquement, avec netteté. Pour le reste, j’étais hermétique à ce que disait le maître sauf quand il nous racontait des histoires. Alors, mes oreilles s’ouvraient comme par magie et je traduisais mentalement l’histoire en images. Ce furent les premiers "livres" sans texte que j’ai créés et lus….
Cliquez ici pour lire l'intégralité de l'interview.
18:29 Publié dans HongFei : Actualités, journal d'éditeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : iching hung, livre sans texte, hongfei cultures, visiteur, taïwan | Facebook |
24/03/2013
Pas de fête sans Champagne.
J’ai eu le bonheur d’être parmi les auteurs invités à rencontrer les enfants de la communauté de communes de la région de Mourmelon le 15 mars, et de prolonger le plaisir en les retrouvant sur le salon du livre aux côtés de Charlotte Gastaut, Agnès Domergue, Fabien Fernandez, Nicolas Bianco-Levrin et de nombreux voyageurs carnettistes dont Antonia Neyrins et Claire Dupoizat. Un grand merci à l’équipe organisatrice menée par Sophie.
Depuis 2008 j’ai fait pas mal de salons comme éditeur ou comme auteur. L’invitation de la Mourmelonnie a une signification toute particulière pour moi. Ici, le salon a lieu une fois tous les deux ans ; c’est donc une occasion rare. Pour cette édition dont le thème est le voyage, j’ai été choisi par l’organisateur grâce à l’album L’Autre bout du monde dont l’histoire est inspirée de mon enfance à Taïwan. Mais avant tout, ce salon me ramène au cœur de la région de Champagne, où j’ai passé ma première année en France.
En fait, ma vie française a commencé ici, à Reims, un beau jour de septembre 1992.
Vingt ans après y avoir vécu, j’y retrouve la cathédrale, le mail majestueux devant la gare, la place royale, les rues semi-piétonnes qui accueillent maintenant les trams élégants, et les placettes paisibles qui jalonnaient mon chemin d’étudiant… C’est ici que j’ai suivi les cours de langue et de civilisation françaises avant d’entrer dans une école d’architecture à Paris.
Architecture gothique, édifices classiques, constructions de l’après-guerre… je suis sensible au charme de ce paysage urbain qui raconte l’histoire de la ville, de la région et de la France. Mais ce qui me relie intimement à cet endroit, c’est le souvenir du jeune homme que je fus, qui le parcourait avec innocence. Il y apprenait à s’inventer une nouvelle vie dans un pays inconnu. Comme sur la prémisse d’un château enchanté qu’il s’apprêtait à explorer, il ne pouvait pas imaginer tout ce qui l’attendait devant lui : palais, galerie, grotte, labyrinthe, folie… mais aussi un arrière-goût de nostalgie de sa vie antérieure. Non, il ne pouvait pas savoir tout ça à ce moment-là.
Et comme à l’époque il ignorait presque tout de la France, il ne pouvait pas savoir non plus CE QU’IL NE TROUVERAIT PAS ailleurs. Maintenant, il le sait. C’est pour ça que Reims est et restera unique pour moi. Les autres villes sont des escales ; elle, ma ville natale.
à gauche : Il était une fois... contes en haïku, texte d'Agnès Domergue, éd. Thierry Magnier 2013
à droite : Carnet de Reims : Reims vue par 12 artistes (dont Claire Dupoizat), Bibliothèque municipale de Reims, 2011
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30/12/2012
Le Japon, voisin inconnu [3]
A la fin de mon deuxième voyage au Japon, notre guide m’a recommandé un ouvrage référence pour tous ceux qui souhaitent comprendre un peu mieux la culture de ce pays. Non, il ne s’agit pas de « Stupeur et tremblements » d’Amélie Nothomb, mais d’un rapport écrit par l’anthropologue américaine Ruth Benedict en 1946 sur commande de l’Office of War Information des Etats-Unis : Le Chrysanthème et le sabre (éd. Picquier 1995).
Comme anthropologue l’auteure nous parle essentiellement du rapport au monde des Japonais : le rapport à l’environnement, aux autres, à soi. Sans ériger le modèle américain en étalon, l’auteure décrit remarquablement une mentalité très différente, loin de tout jugement de valeur. La distinction qu’elle fait entre les cultures japonaise et chinoise, et entre celles américaine et européenne, est tout aussi pertinente.
Parmi les contrastes les plus visibles entre les habitants du nouveau monde et ceux de l’archipel, elle note celui ci : tandis que les premiers valorisent l’image d’un « self-made man », les seconds vivent avec la conscience d’avoir une « dette » envers le monde ; autrement dit, il s’agit d’un égard envers ceux qui nous ont précédés ou qui nous ont aidés à avancer, à nous émanciper. Cette réticence à se mettre en avant, très partagée chez les peuples d’Asie, est parfois interprétée en Occident, où l’individualisme est élevé au rang de valeur émancipatrice, comme une fausse modestie ou une entrave à l’épanouissement d’une personnalité.
Une autre attitude japonaise se démarque fortement de l’utilitarisme qui prévaut en Occident. L’auteure l’a traduite par le mot « sincérité ». C’est la disposition à se concentrer sur une science, une jouissance, un geste à accomplir, ou une promesse à honorer, dans une simplicité quotidienne, sans héroïsme. Elle est à l’écart du pragmatisme des Anglo-Saxons, de l’envolée ou du dilettantisme des Chinois, et à l’opposé de l’hypocrisie ou de la moquerie.
Les visiteurs au Japon remarquent souvent, devant les restaurants, la « copie » en trois dimensions des plats servis : steak, pâtes, fruits, bière… Faites à partir de cire ou de silicone, ces copies ont l’apparence d’une fraîcheur éternelle. Une émission télé de divertissement a mis deux hommes en compétition : l’un est le maître incontesté de cette industrie de fac simili, l’autre est un cultivateur de melons depuis 41 ans capable de distinguer à l'oeil cinq melons cueillis à un jour d’intervalle. Le génie des faux doit fabriquer un melon qui sera mêlé avec quatre autres vrais ; au paysan de l’identifier par éliminations successives. La tension monte, monte… car c’est la réputation d’une vie dédiée qui est en jeu. En fin de compte, le paysan aura bien le dessus. Si la victoire est pour l’un, notre admiration est pour les deux : ils nous ont donné à voir la « sincérité » à la japonaise et croyez-moi c’est un spectacle émouvant à ne pas oublier.
Chun-Liang Yeh
à lire précédemment : Le Japon, voisin inconnu [1] et [2]
aussi : Au Japon, on mange aussi avec les yeux, article dans Le Monde du 29.07.2013
13:24 Publié dans journal d'éditeur | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : culture, japon, chine, ruth benedict | Facebook |
17/10/2012
Le Japon, voisin inconnu [2]
Au 19e siècle, les Occidentaux qui s’installaient dans la ville portuaire de Kobé ont fait construire des villas de style européen, dans le quartier nord à flanc de colline. Aujourd’hui, une soixantaine de villas y sont toujours debout après le violent séisme de 1995 ; l’une d’entre elles, particulièrement bien entretenue, est connue sous le nom de La maison à girouette.
Selon notre guide, cette maison fut rendue célèbre grâce à une série télé diffusée en 1977 qui racontait la vie mouvementée d’un couple mixte germano-japonais, avec les joies et les peines que connaissent toutes les unions d'êtres issus de cultures éloignées. À l’intérieur de la maison sont exposées les photos d’un négociant allemand et de sa petite fille habillée en kimono. J’étais songeur : à quoi pouvait-il penser, cet Allemand, lorsqu’il faisait construire sa maison et élevait sa fille dans ce pays à l’autre bout du monde ? Soudain, j’ai eu le sentiment que nous nous comprendrions, et que dans un sens nous appartenions à la même famille, à la même patrie. Je ne me sentais plus seul.
En fait, après vingt ans passés en Europe, il m’arrivait encore de m’interroger sur mon choix de jeunesse et de rêver à l’autre vie que je n’ai pas vécue, où Taïwan aurait été mon unique petit pays et où la France serait restée une carte postale si jolie. Mon esprit continuait de se tourmenter. Sans m’y attendre, j’ai trouvé la paix intérieure ici à Kobé.
En japonais, la girouette s’écrit en trois caractères kanji 風見鶏 qui signifient « vent-révéler-coq » ou « coq qui révèle le sens du vent ». Homme volontaire, j’ai tenté de me frayer un chemin dans ce monde et suis probablement devenu moins sensible aux forces invisibles de la vie. Mais il suffit parfois d’ouvrir ses bras pour les caresser et s'en laisser traverser. Devant le vent du grand Mystère, l’émerveillement ne laisse pas de place au regret.
Chun-Liang YEH
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01/10/2012
Le Japon, voisin inconnu [1]
L’été dernier, j’ai accompagné ma mère pour un voyage au Japon, dans la région de Kansai (Kyoto-Osaka-Kobe) à 2h30 de vol de Taipei. J’y suis allé avec un très bon souvenir de mon premier voyage un an plus tôt à Tokyo, et je ne suis point déçu en y revenant. Je m’étonne toujours : comment arrive-t-on à garder des villes et des campagnes propres, partout, tout le temps ? Les véhicules sont tous lavés, circulant sur les routes impeccablement entretenues, sans une brèche.
Bien qu’ayant connu le Japon tardivement, j’ai un sentiment particulier à son égard : lorsque mon père allait à l’école primaire, c’était le japonais qu’on y enseignait. Le Japon a dû représenter, dans l’imaginaire des gens de sa génération dans la dure réalité de l’après-guerre à Taïwan, un ailleurs moderne, rationnel et prospère. Venir au Japon pour moi c’est un peu comme partir à la recherche d’un temps perdu, celui d’avant ma naissance.
Erigée sur le modèle de Chang’an (siège de l’Empire chinois sous les Tang 7e – 9e siècle), Kyoto fut de 794 à 1868 la capitale impériale du Japon. Dans mon exploration de la ville au premier soir, je me suis glissé dans des ruelles le long d’une rivière aménagée non loin de mon hôtel. Les enseignes des pubs y émettaient une lumière tamisée. En face des pubs, sous les saules bordant la rue, de temps à autre un jeune homme à mon approche m’envoyait un message à voix basse… sans doute une invitation à goûter aux plaisirs suaves proposés dans l’un des établissements en traversant la rue. Alors que je continuais mon chemin, cette voix s’estompait dans l’obscurité, laissant derrière elle le parfum d’une jouissance promise et non consumée.
Voilà mes premières heures à Kyoto, ville historique de 1,5 million d’habitants. Si au cœur de la ville les buildings modernes ont depuis longtemps remplacé les bâtisses traditionnelles en bois, les hommes et les femmes continuent d’arpenter les artères quadrillées tracées il y a plus de mille ans, et aussi les sentiers d’initiation à l’art millénaire de désirer.
Chun-Liang YEH
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26/09/2012
Matteo Ricci, ils sont restés sourds.
En France je croise parfois des essais et des articles sur la Chine, sa culture et son développement actuel, rédigés par des voyageurs ou divers professionnels ayant séjourné en Chine. Il m’arrive d’être déçu par la persistance de clichés véhiculés par ces auteurs pourtant bien placés pour faire une observation en profondeur et fournir une explication simple et intelligible. De plus en plus souvent, je suis amené à considérer les "récits" sur la Chine comme révélateurs de la largesse d'esprit d’un auteur, et dois me rendre à l’évidence que des auteurs étroits d’esprit voyagent aussi en Chine et diffusent leur vérité sur ce pays. Pourquoi sont-ils publiés ? Parce que ces auteurs sont trop éminents pour qu’on refuse leur contribution, ou que leur éditeur n’est pas suffisamment averti sur ce sujet , ou parce que leur vision des choses correspondrait à celle qui conforte les lecteurs dans la leur ? Sans illusion sur la portée de mes critiques dans ce blog, j’essaie toutefois de garder une trace de mes réflexions qui me seront peut-être utiles dans dix ans lorsque ces clichés dénoncés continueront encore de proliférer.
Je note ainsi le propos d’un personnage très influent (président d'une grande école de commerce) publié dans une revue spécialisée dont je loue pourtant la qualité éditoriale :
« …depuis la Révolution française, la revendication d’égalité s’est ajoutée à celle de la liberté individuelle, inventée par les philosophes grecs et magnifiée par le christianisme. Dans le monde asiatique, l'individu n'existe pas, le groupe est le centre de gravité. Pour Confucius, le groupe de référence, c'est la famille. L'Etat, l'entreprise sont à l'image de la famille... » (Chine Plus, n°23, juin-septembre 2012)
Ce propos révèle une double erreur de l’auteur. Premièrement, en Chine, qui est une part non négligeable du monde asiatique, l’individu existe. Ce qui n’existe pas, c’est l’individu sans lien avec les autres. Quant à Confucius, il fait le constat "simple" que personne ne naît de nulle part. Quand un individu naît, il est déjà en lien, à commencer par celui de la parenté. En conséquence, parmi les grandes questions que se pose Confucius, se trouvent la nature de ces liens et ce qu’on en fait.
La deuxième erreur de l’auteur vient de l’opposition qu’il fait entre l’individu et la famille. La famille est un sujet « ambigu » pour les Français. Défendue dans une acception étroite par certains, elle est haïe par d'autres à cause de l’inertie qu’elle incarne dans la reproduction sociale des individus d’une génération à l’autre. Or, sans dénoncer ni sacraliser la famille, Confucius - à la suite du constat signalé au-dessus - fait de la famille un lieu d’apprentissage, naturel et légitime, d’empathie. Auprès de ses parents et ses frères/soeurs, un individu apprend à devenir digne d’avoir des amis qui l’aident à s’émanciper. Se faire des amis (ou créer des liens, comme dit le renard du Petit Prince) afin de se perfectionner en son humanité est l’expression la plus élevée de la liberté individuelle en Chine.
Cette compréhension du confucianisme, loin d’être arbitraire, constitue la quintessence d’un ouvrage déjà ancien et écrit par un Occidental, le jésuite Matteo Ricci : Traité de l’amitié (publié en chinois en 1595, aujourd’hui disponible aux éditions Noé en version bilingue. Cliquer ici pour lire la quatrième de couverture).
image : portrait de Matteo Ricci, auteur du dessin inconnu, cliché Bibliothèque nationale de France.
Chun-Liang YEH
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14/05/2012
La reconnaissance de l’Autre [3/3]
Le propos dans mon post précédent est simple : les valeurs « universelles » n'ont pas été proclamées dans un vide culturel. Leur essor et leur actualisation parmi les peuples de cultures différentes sont d'autant plus efficients que notre connaissance intime de ces cultures est solide.
Il faut croire que la majorité des défenseurs des valeurs universelles sont sincères, prêts à reconnaître et dialoguer avec les peuples en face, avec leur histoire et leur culture. D'ailleurs, que peuvent-ils entendre d’un Chinois qui ne soit déjà énoncé en Occident, et qui serait plus beau et plus noble que les belles valeurs dont les droits de l’homme seraient l'ultime expression ?
Comme tout Chinois qui se respecte, je ne vous dirai jamais que la pensée chinoise est la plus élevée ou la plus profonde, que la civilisation chinoise est la plus brillante, que la philosophie chinoise pourrait éclairer le monde entier.
Pour les Occidentaux, les Chinois ont un « défaut » : souvent, ils ne parlent pas, ou pas assez en tout cas. Généralement, ce silence est interprété comme un déficit de pensée libre ou un manque de conviction. En réalité, ils n’expriment leur opinion, n’exposent leur connaissance que lorsqu’ils ont le sentiment que l’Autre est prêt à l’entendre.
Lorsqu’il arrive à un Chinois de révéler son point de vue, c’est comme s’il vous invitait à une dégustation de thé : le thé sera aussi bon que vous serez en mesure de l’apprécier. Il est vrai que les Chinois convient relativement peu les Occidentaux à une telle dégustation. Non pas parce qu’ils seraient moins hospitaliers que d'autres peuples, mais parce qu’une telle rencontre se concrétise plus difficilement sans le partage d’une même langue (française ou chinoise). Difficulté supplémentaire : ce partage passe par une expérience intime de la trajectoire des mots et des concepts dans cette langue partagée, c’est-à-dire par des références culturelles que constituent deux mille ans d'histoire, de légendes, d’anecdotes, de joutes philosophiques, de littérature, de poésie, de théâtre, d'art, etc.
Prenons un mot comme exemple pour illustrer ce propos : ce pourrait être 仁 prononcé rén, un caractère chinois composé des signes « humain » et « deux ». Bien plus que « ce qui se passe entre deux individus », ce mot suggérant « le meilleur de ce qui se tisse entre deux humains » est devenu le concept clé de l’enseignement de Confucius (5e siècle av. notre ère). En effet, il peut exister beaucoup de rapports différents entre deux humains : le ressentiment, l’aliénation, la haine, la rancune, la jalousie, la tromperie, la complaisance, l’obligation, la confiance, le don, le pardon, l'hospitalité, l’amitié, la loyauté, l'empathie et l’émancipation, etc. Le confucianisme (et non la doctrine de ses usurpateurs) consiste à développer un ensemble d’outils conceptuels nous aidant à éviter les pièges dans notre quête des idéaux du vivre-ensemble, grâce à la perfection de soi et à la rencontre d’un Autre, singulier, concret et vivant.
Fondamentalement, il s'agit ici de l'expression d'un humanisme basé sur la « reconnaissance de l’Autre ».
Ces mots chinois existent aussi en français (sans quoi je n'aurais pas pu écrire ce post), mais la différence de civilisation fait que les Européens, héritiers du christianisme, de la Renaissance et des Lumières, n'ont pas choisi de les "activer" d'une manière systémique pour penser la société humaine.
Pour ceux qui s’y intéressent, je recommande volontiers quatre ouvrages contemporains, dont trois ont fait déjà l’objet d’un article sur ce blog (posts accessibles via l'hyperlien). Tous ont le mérite de présenter le plus clairement possible l'humanisme chinois en s’appuyant sur les concepts et catégories de pensée véhiculées par la langue française.
-
100 mots pour comprendre les Chinois, par Cyrille J.-D. Javary (Albin Michel 2008)
-
Traité de l’efficacité, par François Jullien (Le Livre de poche 2002)
-
Manuel de chinoiseries : A l'usage de mes amis cartésiens, par Chenva Tieu (Anne Carrière 2009)
-
L’importance de vivre, par Lin Yutang (première publication en anglais en 1937)
Chun-Liang YEH
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09/05/2012
L’Universalité et l'existence de l'Autre. [2/3]
Lors de la soirée évoquée dans l’épisode précédent, l’écrivaine-voyageuse en est venue à m’enjoindre de reconnaître les Droits de l’Homme comme une valeur universelle, faute de quoi je serais complice des mesures, critiquées en France, du gouvernement chinois actuel.
Étrange mise en demeure…
Je pense pourtant qu’il est possible de questionner les valeurs universelles, ou plus précisément leur instrumentalisation, indépendamment de l’actualité politique de tel ou tel pays.
En effet, chez certains défenseurs des droits universels de l’homme, une attitude me paraît particulièrement troublante : il leur arrive d’emprunter le costume de l'évangéliste ou pire, de l'inquisiteur. Pour eux, l’« universalité » est un label qui les dispense de la nécessité de connaître les peuples qu’ils entendent convertir à la lumière et la raison. Ils font ainsi peu de cas des « cultures » rencontrées sur leur passage.
Ces « missionnaires » des temps modernes oublient une chose essentielle : les peuples rencontrés ne sont pas des arriérés et ont une mémoire et un regard sur les arrivants. A ce double titre, ils exigent de ces derniers une crédibilité à la hauteur des valeurs proclamées. Or, pour ce qui les concerne, les Chinois ne reconnaîtront probablement pas les Européens comme pleinement crédibles tant que ceux-ci demeureront ignorants d'un passé récent entre l’Europe et la Chine (parce qu'il est fort peu enseigné à l'école ici).
Lors du dîner que j'évoque plus haut, un convive plein de bonne intention m'a expliqué que ce sont les Anglais qui, arrivant en Chine au 19e siècle, ont obligé les Chinois à cesser de se droguer avec l'opium. Mais faut-il rappeler que :
[…] les Britanniques, au nom de la liberté du commerce, envoient leur flotte de guerre en juin 1840 pour imposer par la force le droit de vendre (en Chine) la drogue venues des Indes… Il ne s’agit cependant pas que d’une page particulièrement honteuse de l’histoire britannique, mais bien, pour les rapports entre l’Occident et la Chine, d’un tournant historique. Les manuels d’histoire français d’aujourd’hui oublient totalement les guerres de l’Opium, alors que la France a participé très activement à la deuxième…
Extrait de « Opium et canonnières » par Alain Croix et Vincent Joly, in La soie & le canon, France-Chine 1700-1860, éd. Gallimard, catalogue de l’exposition éponyme au musée de l’Histoire de Nantes, 2010.
Chun-Liang YEH
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04/05/2012
Voyageur, passeur de clichés ? [1/3]
Récemment, j’ai eu l’occasion de partager la table d'une écrivaine-voyageuse. Pendant le repas, son récit des pays visités épata les convives qui ne pouvaient placer un mot sur les lieux, les coutumes et les parfums qu’elle décrivait parce que, souvent, ils ne les connaissaient pas. Elle nous parla aussi de ce qu’elle vit en Chine. De ce qu’elle vit, une part limitée de cet immense pays, elle fit une généralité, faisant abstraction de ce qu’elle ne vit pas, de ce qui ne lui fut pas immédiatement visible, avec une suffisance déconcertante.
Le monde n’est pas à un paradoxe près : lorsqu’un « voyageur » est tenté de collecter, auprès des populations « exotiques », des scènes qui vérifient ses préjugés, il ne peut qu'enfermer dans encore plus de clichés ceux à qui il rapporte son « témoignage », au lieu de leur faire voir de nouveaux horizons.
La multiplication des contacts – à travers déplacements et internet – ne garantit guère une meilleure compréhension de l’Autre. Car l’origine de cette optique faussée est dans notre regard, dans ce que nous cherchons à voir. Pour les missionnaires européens du 16e siècle, les Chinois formaient un peuple qui n’avait pas eu la chance de connaître la foi chrétienne. Pour les négociants et militaires anglais du 19e siècle et leurs alliés américains et français, les Chinois étaient une proie facile avec des richesses à piller. Pour les Français du 21e siècle, que dire d'un Chinois, des Chinois ?
Rien, bien sûr, ne nous oblige à connaître les Chinois ; nous nous posons néanmoins cette question, car à travers le regard que nous portons sur l’Autre, nous pouvons mieux nous connaître.
Chun-Liang YEH
Images extraites de l’album Le Duc aime le Dragon, illustré par Valérie Dumas.
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28/03/2012
Contre la double peine pour les mots !
Il y a quelques jours, une lectrice-bloggeuse, Kik, s’est fait l'écho, sur son blog Les Lectures de Kik, de sa récente lecture de Mûres mûres, un titre des éd. HongFei Cultures publié en 2008.
Nous sommes heureux que cette lectrice ait apprécié ce livre qui est une très bonne découverte. Comme bloggeuse, toutefois, elle choisit de mettre l’accent sur la présentation que l’éditeur fait de la collection dans laquelle le livre est publié, à savoir la collection Cœur vaillant.
Au moment de poster sa chronique, Kik nous a courtoisement informés de cette publication en précisant : « J'espère que ma sincérité ne vous chiffonnera pas... ». Chiffonnés, non. Mais, comme éditeurs, nous jugeons important de nous donner ici le temps d’une réponse qui dépasse d'ailleurs le seul cas évoqué.
EXTRAIT de la chronique :
L'éditeur précise avant de commencer l'histoire que ce conte minuscule (je ne le trouve pas si petit!) est inspiré d'un texte classique chinois de Guo Ju-Jing (XIIIe siècle), auteur connu pour sa compilation de vingt-quatre histoires de piété filiale. J'aime cet aspect "historique". L'initiation des jeunes lecteurs à des contes classiques. Par contre pourquoi minuscule, pourquoi une présentation édulcorée de la collection Cœur vaillant : "Collection de contes minuscules tout mignons tout tendres"
Ce n'est pas parce que l'on s'adresse à des enfants de 3-6 ans que l'on doit faire quelque chose de "mignons" et "tendres"... gnangnan on peut dire aussi ? ... C'est dommage de présenter la collection ainsi. Je ne connais qu'un titre, mais pour celui que j'ai lu, je peux dire que l'histoire de Yuanyuan n'est pas ainsi.
SUITE :
Je ne connais qu'un titre, mais pour celui que j'ai lu, je peux dire que l'histoire de Yuanyuan n'est pas ainsi. […] ce n'est pas too much, dans le gnangnan édulcoré on a vu pire. De plus, il y a cette touche de morale liée au conte, lorsque le serpent décide de ne pas mordre YuanYuan car celui-ci est généreux avec sa mère et sa grand-mère, qui rend l'histoire intéressante. Les aventures de YuanYuan invite le lecteur à réfléchir sur la générosité et le partage. Ce thème classique, souvent évoqué dans la littérature pour la jeunesse est ici développé de manière originale. […]
Cette chronique est pour le moins paradoxale car elle reproche à l’éditeur de faire [extrait] ce que, par ailleurs, elle établit qu’il ne fait pas ! [suite].
Considérant que les mots « tout mignons tout tendres » s’appliquent à la caractérisation de la collection Cœur vaillant, lorsqu’on les sous-titre – et du coup explicite – par l’expression « gnangnan », cela revient à dire, que l'intention affichée de l'éditeur est de faire du « gnangnan ». Mais quand dans le même temps, on ajoute qu’on trouve dans Mûres mûres tout autre chose et qu’on est même complimenteur, que faut-il comprendre ? De deux choses l’une : soit, pour dire les choses simplement, l'éditeur ne fait pas exprès ce qu'il réussit (cherchant à faire le pire, il serait arrivé au mieux) ; soit il convient de lire autrement ce « tout mignons tout tendres ». Et c’est bien ce que nous proposons.
La langue française est une richesse commune et vivante. La précision dont elle est capable est une des qualités dont profitent ceux qui empruntent ses voies. Que ces mots « mignon » et « tendre » aient été soumis à un avilissement, c’est chose certaine. Mais est-il besoin à tous, et notamment à un éditeur, de se soumettre aux mauvais usages ? N’est-ce pas donner autorité aux mauvais usagers ou, pire, aux usagers de mauvaise foi ! Et ce serait punir deux fois les mots : d’abord galvaudés, on les disqualifierait. Autrement dit : impuissant à lutter contre les mauvais usages, on choisirait de supprimer les mots victimes de ces mauvaises manières !
Pour notre part, nous prétendons cultiver la richesse de la langue. Nous le faisons particulièrement parce que nous nous adressons aux enfants qui s’approchant de la langue, puis la fréquentant, finiront par l’apprivoiser. Ils nous arrivent souvent, à ce sujet, de penser à ceux qui, de langue étrangère, découvrent et apprennent avec appétit le vocabulaire français. Et toujours nous nous souvenons qu’un auteur ne confond pas un mot avec le sens d’un autre.
Puisqu’il ne paraît pas inutile de revenir à leur définition (Dictionnaire de l’Académie française), rappelons : « mignon : qui charme par sa délicatesse, sa petitesse » ; « tendre : qui éprouve, manifeste de l'affection, de l'amitié, de la générosité ou qui en relève ». Mignon et tendre se rapportent bien sûr aux petits héros de ces contes chinois publiés dans la collection (un panda roux dans Mûres mûres, un hérisson jaune ailleurs, un petit lapin blanc et un écureuil rouge ailleurs encore). Rien ici qui dégrade, rende idiot, prenne le parti de la facilité ! Et même, à bien y regarder, on notera que l’un des deux termes renvoie à l’Autre (charmé) quant le second renvoi à Soi (éprouvé). À nous, cela convient bien puisque nous publions dans cette collection, de courts textes qui portent comme projet principal l’apprentissage de "Ma Relation à l’Autre" (entendons, par le fait de l'identification, la relation du petit lecteur à l'autre, celui qui n'est pas lui).
En réduisant ces mots à l’avilissement auquel d’aucuns les soumettent, ne risque-t-on pas de participer à leur dévalorisation ? Pour notre part, nous plaçons avec fierté les mots « mignon » et « tendre » – et toute la valeur que nous leur reconnaissons – en exergue d’une collection de contes, dont nous annonçons qu’elle s’adresse aux plus jeunes par un effet de style (« tout mignon… ») et de vocabulaire (« contes minuscules ») choisi et assumé.
Loïc Jacob et Chun-Liang Yeh, éditeurs
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14/01/2012
La démocratie a une histoire.
1895 : L'île de Taïwan acquiert le statut de province chinoise juste avant sa cession au Japon.
1912 : Fin de la dynastie des Qing. Proclamation de la République de Chine sur le Continent.
Sun Yat-sen (1866-1925), père-fondateur de la République de Chine
1938 : Naissance de ma mère sur une île de pêcheurs à Kaohsiung, sud de Taïwan.
1945 : Les Japonais quittent Taïwan après la seconde guerre mondiale.
1949 : Suite à la guerre civile entre le Parti Nationaliste chinois et le Parti Communiste, arrivée à Taïwan des réfugiés nationalistes. S'installe un régime autoritaire avec le parti unique de Chiang Kaï-chek. L'application des lois martiales interdisant la formation des partis politiques.
Chiang Kaï-chek (1887-1975)
1979 : Répression d'une manifestation pacifique à Kaohsiung organisée par les éditeurs de la revue "Belle Ile Formosa" le 10 décembre, journée internationale des droits de l'homme. J'avais 10 ans.
Les premiers numéros de la revue Belle Ile Formosa 美麗島雜誌.
1986 : Formation du Parti Démocratique Progressiste (DPP) par les "dissidents" au pouvoir.
1987 : Levée des lois martiales après 38 ans d'application.
1996 : Première élection du président de Taïwan (République de Chine) au suffrage universel, pour un mandat de quatre ans.
2012 : 5e élection présidentielle avec 18 millions de votants. Pas moins de cent milles Taïwanais à l'étranger ou résidant sur le Continent rentrent au pays pour exercer leur droit de vote. Parce que c'est NOTRE démocratie.
Maman devant le bureau de vote à Yonghe, Taipei, le 14 janvier 2012.
poste de Chun-Liang YEH
voir aussi D'une Chine à l'autre, article du Monde le 13/01/2012
04:34 Publié dans journal d'éditeur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : chine, taïwan, histoire, démocratie, formosa | Facebook |
23/12/2011
Un hiver lumineux
A l’approche du solstice d’hiver, les jours sont courts. Je me penche sur les diverses tâches devant ma fenêtre, et lorsqu’il me vient à l’esprit de lever la tête pour contempler le coucher du soleil, je n’aperçois que la lumière dorée perçant les nuages bas. La voûte céleste brille de milles couleurs, mais sans le soleil.
Mon regard cherche l'astre en vain, comme mes mots tendres cherchent ceux qui devaient les entendre mais qui ne sont plus là.
A l’approche de Noël, j’ai sorti les guirlandes lumineuses du rangement. Des modèles récents en LED mais aussi des plus anciens. Ces décorations me rappellent l’enfant que j’étais, lorsque mon père en sortait pour l’unique occasion du nouvel an chinois. Lui qui a dû se battre dans la vie pour nous procurer une existence stable et heureuse, savait que les rêves d’un enfant n’ont rien de superflu. Aujourd'hui, les guirlandes dans les mains, j’ai compris qu’il ne m’a pas seulement appris à me battre mais aussi à ne pas oublier de rêver.
La maison s’illumine, le cœur aussi.
Que vos fêtes soient belles, chaleureuses et heureuses.
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16/11/2011
L’apprentissage du désir [2]
Pour ouvrir notre nouvelle collection « Contes de Chine », nous avons choisi de présenter l’histoire de Yexian, « Cendrillon chinoise ». Partant du texte de l’auteur DUAN Chengshi qui a vécu au neuvième siècle, la plus ancienne version écrite connue du conte de Cendrillon, nous en proposons une version en langue moderne très respectueuse de l’intention de l’auteur.
Quatrième de couverture : Yexian, sensible et sage, est tourmentée par sa belle-mère et sa demi-sœur. Elle trouve son réconfort auprès d’un poisson aux yeux d’or. Mais la marâtre tue le poisson et l’enterre au pied d’un arbre.
Une Immortelle venue consoler Yexian lui révèle un secret : si l’enfant prend soin du squelette du poisson, celui-ci exaucera chacun de ses souhaits.
La magie du poisson permet à Yexian de se parer des plus beaux atours et de se rendre secrètement à une grande fête. Mais sa belle-mère s’y trouve aussi et semble la reconnaître. Dans sa fuite, Yexian perd une de ses magnifiques chaussures. Le soulier d’or, parvenu entre les mains d’un roi, conduira enfin la jeune fille à son bonheur.
Mon adaptation de ce texte chinois ancien à une lecture moderne, sans qu’en soit altéré ni l’esprit ni la sobriété, préserve la précision de la narration des événements (apparition et disparition du poisson magique, révélation de l’Immortelle, pérégrination du soulier d’or) sans ajout artificiel de descriptions sur le tempérament ou la motivation des personnages en action.
Une fois mon écriture achevée, j’ai eu le sentiment que dans son récit DUAN Chengshi avait voulu nous inviter à poser le regard sur certains aspects de l’histoire de Yexian en nous épargnant des contingences distrayantes. En fait, ce conte se prête à une lecture parabolique. Mais à quelle symbolique avons-nous affaire ? Si, par exemple, le poisson et la marâtre peuvent être compris comme des métaphores, de quoi seraient-ils le signifiant ? Et pourquoi la fin du conte chinois diffère-t-elle autant de la version que nous connaissons en France ? En apportant quelques éclairages sur ces points, je propose une lecture possible de ce conte, parmi d’autres sans doute envisageables.
Dans ce récit, le lien entre Yexian et le poisson magique, auprès duquel la jeune fille trouve du réconfort dans le malheur de la perte de ses parents et la persécution de sa belle-mère, apparaît comme une relation de dépendance basée sur le « besoin ». Yexian a besoin de trouver un équilibre affectif dans une vie qui la malmène tant, et c’est le soin qu’elle apporte à ce poisson extra-ordinaire qui le lui offre. Est-ce par méchanceté gratuite ou par jalousie que la marâtre tue le poisson et le mange ? Nous ne le savons pas. Beaucoup de suppositions sont possibles, mais toujours est-il qu’elle rompt par cet acte cruel l’équilibre fondé sur la dépendance entre la jeune fille et le poisson. Ce faisant, elle oblige Yexian à chercher d’autres horizons pour s’en sortir. La jeune fille entreprend alors un apprentissage du « désir » grâce à la révélation de l’Immortelle. À travers les souhaits qu’elle énonce en priant le squelette du poisson, elle apprend à désirer avec pertinence les objets appropriés (la robe et les souliers) et à les utiliser au moment opportun (lors de la fête). Mais écouter son désir implique aussi de se laisser porter par le courant des événements ; ainsi en est-il du périple du soulier égaré qui finira par apporter le bonheur à la porte de la jeune femme sous la forme d’un mariage somptueux avec le Roi.
Je suis d’autant plus frappé par l’évidencede cette lecture du conte que nous a transmis DUAN Chengshi que l’épilogue, qui me paraissait énigmatique auparavant, en constitue finalement une clé tant recherchée. En effet, à la fin de l’histoire, il nous est raconté comment la marâtre et sa fille vont mourir puis que pendant longtemps les membres de leur tribu vont venir prier sur leur tombe quand ils désireront la naissance d’une fille dans leur famille. On doit comprendre ainsi que la marâtre a fait quelque chose de « bien » de son vivant, sans quoi son esprit serait incapable d’exaucer le vœu des gens. Le « bien » qu’elle a fait fut d’aider Yexian à passer de l’état d’un besoin à celui du désir, et donc à avancer dans sa vie. Plus loin, DUAN Chengshi précise aussi que le squelette du poisson magique, entré en possession du Roi, cessa au bout d’un an d’exaucer ses vœux. Il me semble qu’on peut bien supposer ici qu’à la différence de Yexian, le Roi qui s’est attribué le squelette n’a pas connu l’adversité ni parfait son éducation en matière de désir. Or, lorsque la quête n’est pondérée par aucun apprentissage du désir, nul objet dans le monde ne saurait être longtemps magique.
post de Chun-Liang YEH
en heureux souvenir d'une conversation avec Loïc à Blois il y a un mois
Image extraite de l’album Yexian et le soulier d’or, illustré par WANG Yi.
08:30 Publié dans HongFei : Rencontres, journal d'éditeur | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : yexian et le soulier d'or, wang yi, cendrillon, chine | Facebook |